mercredi 23 juin 2021

LE CANONNIER DE LA TOUR EIFFEL : la chronique du site "Les Sentiers de l'Imaginaire"

 Conte à la Belle Epoque

1905. S’il travaille comme ramasseur de mégots, Camille est aussi sculpteur de marionnettes… Ce sont ses personnages que le montreur de marionnettes anime chaque jour aux pieds de la Dame de Fer, pour le plus grand plaisir des bambins… Quelle n’est pas sa surprise lorsqu’il rencontre, sans jamais l’avoir jamais croisée, une jeune femme qui a les traits de la Colombine qu’il a sculpté ! Ils se donnent rendez-vous le lendemain, à midi…

Mais le destin est farceur ! Depuis cinq ans, à midi pile, un coup de canon est tiré du second étage de la Tour Eiffel… Et lorsque le canonnier est victime d’un malaise, on fait appel à Camille qui officia comme artilleur dans l’Artillerie Coloniale… Le voilà placé devant un cruel dilemme : rompre la tradition ou faire faux bond à l’élu de son cœur… Heureusement, son ami l’astronome se propose de prévenir sa belle… Mais est-il digne de confiance ?…


Le cadrage interlope de l’illustration de couverture happe le lecteur dès le premier regard… Et le trait plein de douceur et d’élégance de David Ratte achève de nous convaincre de nous lancer dans la lecture de cet album surprenant qui nous entraîne dans le Paris de la Belle Epoque… Par sa délicatesse, son dessin généreux évoque celui de Marie Jaffredo ou de Jean-Charles Kraehn, époque Bout d’Homme… Mais l’auteur du Voyage des Pères et de Ma fille, Mon enfant développe un style très personnel, mettant en scène des personnages délicieusement attachants dont il retranscrit les émotions avec finesse et expressivité, rendant les protagonistes tantôt attachants, tantôt antipathiques… voire franchement inquiétants ! Son tait se fait parfois caricatural pour accentuer le comique d’une situation et l’agréable mise en couleur signée Mateo et Eric Ratte baigne chaque scène d’une lumière délicate, renforçant l’atmosphère particulière de chacune d’elle…

Ecrit à quatre mains par Jack Manini et Hervé Richez, le scénario du Canonnier de la Tour Eiffel prend les atours du conte en mettant en scène une jubilatoire galerie de personnages, de l’amoureux transi à la pire des fripouilles en passant par un touchant canonnier, des contrôleurs très procédurier, un marionnettiste généreux ou de sympathique poulbots pleins de vie et d’entrain… Sans oublier cet inquiétant brocanteur qui se surnomma lui-même Premier Ministre de la Mort et qui apporte une délicieuse touche de fantastique au récit… Pour la petite histoire, cet étrange personnage s’inspire d’un certain Constant Daléchamps brocanteur et colombophile du Montmartre de la Belle Epoque ! A travers eux, c’est ce Paris qui reprend vie devant nous, dévoilant d’étrange et fascinants métiers aujourd’hui disparus…

Riche en rebondissements impromptus et en délicieux retournement de situation, leur récit romanesque dépeint un XIXe siècle foisonnant… Dialogues savoureux, situations burlesques à souhait et personnages attachants distillent au fil des pages une délicieuse poésie qui nous fait refermer l’album le cœur un peu plus léger qu’en entamant sa lecture…

Nous sommes tellement tombés sous le charme de ce récit que nous n’aurions pas été contre un petit dossier revenant sur cet improbable Canonnier de la Tour Eiffel ou sur le Premier Ministre de la Mort…

Jack Manini et Hervé Richez associent leurs plumes et leurs talents aux crayons délicats de David Ratte pour signer un récit romanesque et poétique qui nous entraîne dans le Paris de la Belle Epoque…

Dialogue, truculents, péripéties burlesques et foisonnante galerie de personnage (parfois inspiré de personnages historiques !) sont de la partie dans ce conte romantique envoûtant et plein de charmes qui mettra du baume au cœur des lecteurs et des lectrices tout en ouvrant grand les portes d’un passé méconnu…

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